Propos insignifiants
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 Bang ! Bang ! de Christophe Donner

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LP de Savy
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MessageSujet: Bang ! Bang ! de Christophe Donner   Bang ! Bang ! de Christophe Donner Icon_minitimeMer 5 Oct 2005 - 0:04

Le loser magnifique

Christophe Donner canarde la société du spectacle et cela fait « Bang ! Bang ! ».

Albert Sebag

Christophe Donner est un malentendu. Voilà plus de vingt ans que cet éternel jeune homme publie des livres de grande qualité - quarante romans, dont vingt-deux récits pour la jeunesse - , plus de vingt ans aussi qu'il se pose en enfant terrible des lettres, un jour en prenant à parti feu le philosophe Paul Ricoeur (« L'esprit de vengeance »), un autre en déclarant la guerre à la fiction (« Contre l'imagination »), ou bien encore en révélant force détails de la vie du frère de son père, l'ex-arbitre international de football Joël Quiniou (« Mon oncle »). Si Donner n'était qu'un provocateur à la petite semaine, on penserait qu'il fait partie de ces Stakhanov qui émargent grassement à la discrétion des bonnes maisons germanopratines. Le problème, c'est que Donner est un écrivain, un vrai, et il le prouve une fois de plus avec « Bang ! Bang ! », de manière étincelante.

Martine Victoire est impossible. Star de cinéma, elle enchaîne les navets mais n'en a cure : elle est la chérie des Français. Elle s'exprime comme un charretier, boit plus que de raison, s'est entichée d'un journaliste de Paris-Turf qui nous servira de narrateur et dont toute ressemblance avec Christophe Donner n'est pas absolument fortuite. Autour de cette furie, on compte un fils acteur adepte de la plupart des drogues, une gamine échappée des ouvrages de la comtesse de Ségur et un ex-mari un tantinet pédophile. Après avoir goûté au septième ciel du box-office, Martine ne connaîtra plus que les stations Charybde et Scylla : celle qui a tant vomi sur le petit écran va terminer sa carrière comme animatrice de talk-show, « avec son gros bidon, les soutiens-gorge trop courts, les bas plissés ». Un désastre.


Un monde en quête perpétuelle du quart d'heure de célébrité. Jamais Donner ne s'en est autant donné à coeur joie pour décrire la pornographie ambiante de la société du spectacle. Il canarde avec la précision d'un fantassin de première classe, pointe comme personne le désarroi d'un monde en quête perpétuelle du quart d'heure de célébrité warholien, s'égare pourtant lorsqu'il convoque le lecteur sur deux pages de sophisme au sujet de la pédophilie. En revanche, on le suit volontiers quand il met le doigt sur une des pires maladies de l'époque : « La question, ce n'est pas de dire du mal ou du bien. La question, c'est de dire. Simplement ça, ils ne le supportent pas. Personne ne le supporte. S'ils voient écrit dans un livre qu'ils portent une cravate rouge, pour peu que ce soit vrai, ça les met hors d'eux. Le détail, c'est surtout ça qui les rend fous... »

Les cent cinquante premières pages de « Bang ! Bang ! » sont ainsi d'une agilité, d'une virtuosité qui nous ont empêché de reprendre notre souffle. Tenez, par exemple, ce dîner parisien qui dure, qui dure et dont la pesanteur est rendue ici de manière admirable : « Alors il a fini son verre de montrachet, qui, dans le verre de chacun, avait pris un goût de silex, comme un nuage qui serait passé au-dessus de la vigne, l'ombre d'un vautour, il n'y avait plus rien, dans ce vin légendaire, plus rien de cette saveur ambrée dont on avait essayé de parler au début. Ce n'était plus que du silex et du sang. »

A force de s'être forgé une réputation de flambeur impénitent - sa passion de la chose hippique l'a même changé en directeur de la revue Of Course -, malgré une oeuvre déjà conséquente, il ne faudrait pas que le malentendu perdure et qu'on ne voit en Donner qu'un dilettante surdoué. Ce garçon est un abonné des listes d'automne des prix littéraires. Et cette rentrée ne déroge pas à la règle : Renaudot, Femina, Médicis l'ont placé d'entrée parmi leurs favoris. Il serait peut-être alors temps que Donner, qui a toute sa vie joué gagnant, finisse enfin par passer à la caisse

« Bang ! Bang ! », de Christophe Donner(Grasset, 282 pages, 18 E).

Le Point du 29/09/05
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Bang ! Bang ! de Christophe Donner   Bang ! Bang ! de Christophe Donner Icon_minitimeVen 11 Nov 2005 - 0:01

Bang ! Bang ! de Christophe Donner

Le romancier peint avec jubilation et causticité la grandeur puis la déchéance d'une star de cinéma.

Sébastien Lapaque
[10 novembre 2005] Le Figaro littéraire

Selon Thomas Mann, il existe deux grands sujets de roman : l'ascension d'un homme et la chute d'une famille. Dans Bang ! Bang !, Christophe Donner raconte les deux à la fois avec une ébouriffante et joyeuse aisance. L'homme qui monte, c'est le narrateur, pronostiqueur hippique à Paris Turf, amateur de bons tuyaux que ses qualifications subabdominales conduisent dans le lit d'une vedette de cinéma où il s'attarde après l'avoir épousée. «On s'est marié à Goa, en Inde, où elle avait toujours rêvé d'acheter une maison, pour nous, en une demi-heure, la plus belle baraque du coin, face à la mer. Allez hop.» La famille qui va descendre, c'est le clan recomposé autour de Martine Victoire, la star dont s'est épris le narrateur. Mais rien ne le laisse pressentir dans les premiers chapitres du livre, où tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté, autour de l'irrésistible Martine Victoire.


«C'était les meilleurs cigares, les vins de Bourgogne de la romanée-conti, les saumons sauvages, le jardin d'hiver, sa vie n'était qu'un paradis d'excellence et de dépenses.» Avant de dire le malheur des riches, Christophe Donner peint l'enchantement des rupins. Il y a plusieurs fils conducteurs dans son livre. L'un d'eux est fait de la collection de grands crus que boivent les personnages : chablis, mercurey, montrachet, saint-joseph. Que du bon, et aucun de ces maudits bordeaux boisés qui nous assèchent le palais. Il y a même un corton-charlemagne «blanc» qui nous a étonné, aucun rouge ne nous ayant jamais été présenté.


Pour sa déchéance programmée, Martine Victoire, vedette française, a le bon goût de choisir le jus de la treille, laissant à d'autres la cocaïne et le ouisquie. Les conséquences, hélas, sont aussi dévastatrices sur son joli corps. Aux navets succèdent les navets, tandis que l'actrice, lentement, se démonétise. Et sa vie ne tarde pas à partir en morceaux. Alexandre, le fils né de son premier mariage lui échappe, tombant dans la drogue et dans toutes sortes de turpitudes ; Gaëlle, la fille qu'elle a eue avec le narrateur, se mure dans un silence qu'on devine réprobateur. Henri, son époux turfiste, va trouver refuge auprès des chevaux. Et pendant ce temps les gazettes annoncent que son premier mari a été confondu dans une sordide affaire de pédophilie.


C'est la chute de la maison Victoire. Christophe Donner la raconte avec jubilation, enchaînant les situations cocasses et les trouvailles romanesques. Assez loin d'une littérature de l'introspection qu'il s'est naguère cru obligé de défendre dans Contre l'imagination (Fayard, 1998). On se souvient de ce vigoureux libelle dans lequel le romancier s'en prenait à la «folle du logis» condamnée par Malebranche. Brandissant l'étendard de l'autofiction, Donner défendait le «sot projet de se peindre» contre une imagination supposée castratrice. On sait, depuis Flaubert, que les choses sont plus compliquées. Fiction, autofiction, autofriction : la graduation établie par Serge Doubrovsky n'est jamais à sens unique. N'en déplaise à Christophe Donner, Gilles Deleuze a raison lorsqu'il explique que la littérature ne commence que lorsque naît en nous une troisième personne qui nous dessaisit du pouvoir de dire «je». Ou, pour aller plus loin, lorsque je devient un autre moi.


Bang ! Bang ! en apporte la preuve. On peut sans doute reconnaître des traits de caractère de Christophe Donner chez certains personnages du livre, mais aucun d'entre eux n'est son double à proprement parler. Le charme du roman vient de sa capacité à couper un à un les fils avec le réel pour peindre un monde rêvé. Un arrière-pays qui ressemble à la terre et d'où le bonheur n'est pas absent, comme dans ces instants d'euphorie sur un champ de course. «J'ai senti que ça recommençait, l'aventure. L'aventure ponctuée de ces moments de vrai bonheur, trois minutes de petit plaisir intense, cette sensation d'exister au-dessus des autres quand son cheval entre en tête dans la ligne droite, qu'il est encore là à cent mètres du poteau, à cinquante mètres, dix mètres, quand le jockey lève déjà sa cravache et qu'avec lui, dans ces tribunes froides, on peut enfin, avec une poignée d'autres hommes, crier victoire.» Le soyeux d'une écriture de grand style, un mot d'esprit pour finir : la vraie vie.
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