Propos insignifiants
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Propos insignifiants

Des livres et des écrivains, en toute légèreté.
 
AccueilRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion

 

 Olivier Frébourg

Aller en bas 
AuteurMessage
LP de Savy
Rang: Administrateur



Nombre de messages : 710
Date d'inscription : 06/04/2005

Olivier Frébourg Empty
MessageSujet: Olivier Frébourg   Olivier Frébourg Icon_minitimeLun 26 Sep 2005 - 23:56

Pour faire connaissance avec un bon écrivain :


Roger Nimier rattrappé par sa légende : Une course de champion

M.de Talleyrand et M. de Chateaubriand ne s'aimaient guère. " M. de Chateaubriand croit qu'il devient sourd lorsqu'il n'entend plus parler de lui ", disait Talleyrand. Et Chateaubriand, qui n'était pas en reste, écrivait : " Quand M. de Talleyrand ne conspire pas, il trafique. " Roger Nimier n'avait pas les mêmes craintes que l'auteur des Mémoires d'outre-tombe, ni un souci maladif de sa gloire, mais il exerçait, lui aussi, un commerce illicite et réprouvé par la morale commune. Homme léger dans une époque lourde, domestiquée par l'esprit de sérieux, il forçait son naturel par goût de la provocation. Il trafiquait avec ses sentiments, sa littérature, ses manières d'être : il soignait son personnage pour se moquer du monde et, surtout, de lui-même. Il mettait de la politesse dans ses mauvaises manières. Il avait une " insolence civilisée ".

Olivier Frébourg, un jeune homme de vingt-trois ans, s'est épris de Roger Nimier. Cela commence allègrement. Depuis le Discours de la méthode, les romans très français adoptent sur-le-champ cette allure décisive et décidée : " J'ai rencontré Roger Nimier pour la première fois dans une villa au bord de la mer (...). La jeune fille qui avait alors la bonté de m'héberger soupirait avec un accent américain et sur un ton de femme délaissée : " Ah ! Roger ! Quel écrivain ! " Je n'en conçus aucune jalousie (...). Au retour de ces vacances prolongées, j'entendis beaucoup parler de lui. On racontait des choses effroyables. Plusieurs détails m'intriguaient : son poids, sa taille, portait-il des boutons de manchettes ? Avait-il un tempérament suicidaire ? (...) Je décidai de lui consacrer un essai, une sorte de Baedeker (...). Entre-temps, la jeune fille à l'accent américain a épousé un officier de l'armée française. On l'aura compris : ce livre est une histoire de coeur qui a mal tourné, autant dire une imposture. "
Olivier Frébourg a suivi les leçons de Paul Morand et, bien sûr, de Roger Nimier : il faut écrire pressé. A moins d'être un fleuve énorme comme Proust ou Lezama Lima, il faut aller vite, sous peine d'ennuyer ou d'affadir. Autre leçon retenue par le jeune homme : il convient de déranger, ou de subvertir, la relation naturelle de la cause et de l'effet. Se méfier des grandes causes, qui occupent abusivement la place, et réhabiliter les petites : les boutons de manchettes, par exemple...

" Mourir à l'Ouest "

Olivier Frébourg aurait voulu " dégraisser la légende ". Il est vrai qu'elle grossit les traits, mais elle se laisse d'autant moins réduire que Roger Nimier l'entretenait lui-même, comme nous l'avons dit. Et Olivier Frébourg (malgré lui ?) la nourrit également quand il écrit que le hussard alla " mourir à l'Ouest ", parce que c'était " plus chic ". Jolie formule, et tant pis, tant mieux si la légende continue.

Dans les années 1955-1965, cela se portait de mourir sur la route. En 1957, Françoise Sagan avait flirté avec le pire, et " ce dérapage d'une star émut la France profonde ", comme le rappelle Olivier Frébourg. En 1960, Albert Camus, moins favorisé, périssait sur une route de l'Yonne qui n'avait aucun égard ni aucune affection pour les prix Nobel. Et en septembre 1962, Jean-René Huguenin, puis Roger Nimier subiraient le même sort. On célébrait alors la mythologie de l'échec. On était charmé par les dépensiers, les perdants, les gens qui filaient à l'anglaise et les personnes qui disparaissaient d'une manière hâtive. Aujourd'hui, les victoires en Bourse excitent davantage les esprits, et l'on donne des cours de réussite à la Sorbonne. Bernard Tapie a remplacé James Dean. A chaque époque ses moeurs, ses rêveries ou ses illusions. Cependant, Roger Nimier " avait-il un tempérament suicidaire ? " Et " portait-il des boutons de manchettes ? " Certes, il avait écrit : " Il faut que Dieu nous donne notre part d'impossible et vite, car nous ne savons pas attendre. " Mais, après la mort d'Albert Camus, le hussard conseillerait " aux voitures, aux coeurs, d'aller moins vite ". Il lui arrivait donc de calmer le jeu. Cet esprit aventureux aimait (aussi) la tranquillité de ses journées de lecture : il savourait la lenteur que cela réclame. Olivier Frébourg a raison d'évoquer la fascination qu'il éprouvait pour la Vie de Rancé. Après le mousquetaire immodéré, voilà le moine studieux qui s'est tué " par inadvertance ". Il est vrai que Roger Nimier affectionnait les " situations troubles ". Parti à la recherche de ce personnage paradoxal, qui se plaignait de n'être pas " mûr pour la jeunesse ", Olivier Frébourg accomplit une course de champion. C'est vif et athlétique. C'est élégant et surprenant. Cela s'achève à New-York, avec une femme évidemment " fatale " qui rit aux larmes en lisant The Blue Hussard.

Bott François (Le Monde du 12 mai 1989)

Le 03 Juin 1994 (Le Monde)


HISTOIRES LITTERAIRES Composition d'histoire

Olivier Frébourg est entré dans la république des lettres avec un essai sur Roger Nimier. Ce furent d'excellents débuts. Il est indiqué, pour les jeunes gens, de méditer sur un auteur qui, dans le Grand d'Espagne, recommandait quelques défauts comme "la frivolité, la discrétion, la pudeur, la débauche et un peu de vieillesse, mais sans excès". Puis Olivier Frébourg écrivit un roman sur la fin de siècle. Il l'intitula Basse Saison (2). C'était bien trouvé. Les époques ne méritent pas nécessairement des éloges, sous le prétexte qu'elles vous ont reçu chez elles. Parce qu'il jugeait sans doute la nôtre assez lugubre, Olivier Frébourg s'est transporté dans la France lyrique de 1944, à la faveur de son deuxième roman, La vie sera plus belle.
A l'époque, Roger Vailland terminait Drôle de jeu. Antoine Blondin allait écrire l'Europe buissonnière, et Roger Nimier le Hussard bleu. Après les travaux pratiques, la littérature française faisait sa composition d'histoire pendant les beaux matins d'été. Par la suite, Alphonse Boudard évoquerait les Combattants du petit bonheur. Et, dans une nouvelle appelée la Guêpe, Roger Grenier raconterait les aventures d'un jeune homme qui s'était levé le matin pour libérer Paris, mais qui faisait l'amour au lieu de faire la guerre et se faisait tuer devant les grilles du Luxembourg, en sortant de chez sa petite amie. Nous nous sommes tant aimés ce jour-là...
Août 1944, c'était les grandes vacances de la vie. La saison de tous les enthousiasmes, de toutes les espérances et, peut-être, de toutes les illusions. La jeunesse courait après le temps perdu... Olivier Frébourg "attrape" ses personnages au début de l'année, et son roman les mènera jusqu'à la libération de Paris. Un homme se promène rue Soufflot, au crépuscule. Il a rendez-vous avec Louise, un agent de liaison. La Résistance était une "promenade". On le savait depuis Drôle de jeu. Le mot de passe, c'est "le Lys dans la vallée", pour laisser entendre que Balzac participe à la lutte clandestine, comme Stendhal et Voltaire sans doute. Membre d'un réseau communiste, le flâneur de la rue Soufflot se nomme Longueville, telle cette duchesse qui fut la maîtresse de La Rochefoucauld, rejoignit la Fronde et se retira à Port-Royal des Champs, terminant son existence dans la dévotion, après avoir été une agitatrice. Il faut bien se reposer l'âme...
L ongueville est chargé, par la Résistance, d'exécuter certains Allemands ou certains représentants de Vichy. Cependant, ce "communiste" n'est pas très orthodoxe. Il sent même le diable, et sa haine de l'ennemi se confond quelquefois avec son dégoût de la vie. Le "mouvement de l'Histoire" intéresse moins Longueville que "les étincelles et les engouements". Les occasions de se faire battre le coeur... "Ce qui l'excite par-dessus tout, c'est de tuer le temps", car il craint toujours de revenir à sa condition d'"animal triste". Naguère, "il avait cru être fait pour l'étude, le dilettantisme, la contemplation, et s'était imaginé (...) dans la peau d'un amateur. Une vie de livres, de voyages, de dégustation. Il s'était vu dans un château du Périgord ou du Lot, attentif aux frémissements de la nature, près d'une cheminée à lire les Commentaires de Montluc". Le plus-que-parfait convient pour évoquer les rêveries d'avant-guerre... Mais Longueville est "un utopiste", et ce genre d'existence, "loin du fracas", ne pourrait que "le décevoir" ou l'ennuyer.
Ce qu'il préfère, c'est "l'agitation, la sédition". C'est la Fronde, justement, qui fut le chapitre le plus turbulent de l'Histoire de France. "Il aime la guerre secrète" comme une sorte de "luxe", et cela fait longtemps qu'il ne s'est pas "senti aussi léger". C'est un petit cousin du Marat de Drôle de jeu. Tous les deux sont des révolutionnaires, mais ils éprouvent de l'affection pour les dames de l'Ancien Régime. Les héroïnes de la Fronde, ou ces marquises des Lumières qui remuaient les idées neuves dans leurs salons... Je soupçonne Olivier Frébourg de ressembler à Longueville, à moins que ce ne soit l'inverse. Entre la vie et la fiction, laquelle imite l'autre? Et qui ressemble à qui?
En février 1944, Longueville va retrouver, par hasard, Tallamont, son ancien camarade de lycée, qu'il n'a pas revu depuis 1939... Les souvenirs d'avant-guerre, quelle déchirure et quelle drôle de chose! Tallamont "impressionnait ceux qui l'approchaient par son visage tourmenté" comme par la diversité de ses talents. Il connaissait aussi bien "les règles de la vie mondaine" que celles de la "boxe française". Il excellait dans les versions latines comme sur les pistes des stades. "Sympathisant" des royalistes, il était séduit par les "imprécations" et la "virtuosité" de Charles Maurras. Cependant, l'amitié de Tallamont et de Longueville "n'était pas celle des deux extrêmes qui s'attirent, mais de deux inquiétudes électives", nous dit l'auteur de ce roman. Joli, non? La fiancée de Tallamont, Constance, une jeune femme juive, a été arrêtée par la Gestapo. Longueville organisera son évasion, avec l'aide de Louise, l'agente de liaison. Mais, à la suite de cet acte d'héroïsme "individuel", il sera rejeté par la Résistance communiste. "Irrégulier" parmi les clandestins... Tant pis, car ce d'Artagnan de l'année 1944 a rencontré sa Mme Bonacieux. Elle ne s'appelle pas Constance, elle s'appelle Louise. Hélas! celle-ci va mourir en essayant de gagner l'Angleterre, avec Longueville. C'est sans doute le métier de toutes les Mme Bonacieux.
Le 6 juin 1944, Longueville débarquera à Riva-Bella, avec les "commandos" de la France libre. Avant-guerre, un de ses camarades a perdu des fortunes au casino de cette station balnéaire: "Riva-Bella! On aurait dit un nom de ville italienne au bord du lac de Côme. Ce serait sa campagne d'Italie." Chargé d'une mission secrète, le héros de ce roman retrouvera Paris le 6 août, et "les femmes en robe d'été" lui sembleront "miraculeuses". Par le judicieux mélange de l'action et des sentiments, des coups d'audace et des coups de coeur, Olivier Frébourg a réussi brillamment sa composition d'histoire. Participant à la fête de la Libération, Longueville aura déjà la crainte de la gueule de bois. Et, devant Notre-Dame, il aura une pensée pour le cardinal de Retz.


Le 31 Juillet 1998 (Le Monde)

Lisbonne et moi

C'est par leur ténuité que certains livres parviennent à nous émouvoir. Ils semblent ne tenir qu'à fort peu de chose pourtant ils tiennent, arrimés à leur fragilité même. Et à notre tour, nous tenons à eux, sans toujours bien savoir pourquoi. Peut-être parce qu'au creux de l'été l'effet de leur charme agit mieux. Ou bien est-ce par l'un des fils transparents qu'ils tissent l'air de rien que nous nous trouvons reliés à des sentiments, des impressions enfouis ou ignorés, soudain accordés à ce monde invisible.
Successeur des « hussards », eux-mêmes lointains descendants du Barnabooth de Valery Larbaud, Olivier Frébourg ne pouvait choisir une ville plus adéquate que Lisbonne, ce « dédale d'ombre et de lumière, de fraîcheur et de plein soleil au coeur de la tendresse du monde », comme lieu et symbole de sa narration amoureuse. Frank, Chardonne, Déon, Gary, Mohrt sont ses compagnons de voyage, conducteurs des mêmes cabriolets, usagers des mêmes hôtels luxueux et désuets. « Longtemps nous avions gardé ce mot de passe entre nous : Lisbonne. Si l'aventure tournait mal, si l'histoire devenait trop noire, la ville blanche serait notre point de chute. » « Quelques mots suffiraient à dresser le catalogue de ma vie. » Il ne faut pas beaucoup plus que ces « quelques mots » à Frébourg pour exprimer ce désenchantement teinté d'élégance aristocratique qui le fait errer au bord du Tage.
Enivré de lumières et de brumes océanes, sur ce dernier promontoire de la vieille Europe, il laisse sa rêverie suivre son cours. De Lisbonne à Buenos-Aires, des langueurs du fado à la mélopée brutale des tangos de Gardel, il rumine un dépit sans objet réel et se repasse le film mélancolique d'un amour perdu.
« Le fil conducteur serait une vie maritime. (...) Une autobiographie par procuration, à travers les bateaux qui, chacun, transporteraient un peu de notre fin de siècle. » Fin de terre, fin de siècle ; « balcons sur la mer » d'où « le crépuscule de l'Histoire paraît grandiose » ; Lisbonne, antichambre du prochain millénaire. Entre ces extrêmes qui se caressent, Olivier Frébourg, en phrases brèves, trouve le juste, l'émouvant accord. Certes, à l'horizon de sa Lisbonne intérieure, il n'y a d'autre ligne que celle de son moi en exil, d'autre tonalité d'âme que l'égotisme. Mais pourquoi le lecteur, un moment charmé, s'en plaindrait-il ?
Les voyages réels sont toujours possibles, désirables, et le Tage ne traverse pas qu'une cité intérieure. Un regard ouvert, détourné de soi permet parfois de mieux approcher cette autre réalité. Le numéro d'Autrement accompagnera utilement le touriste, donnera à son périple dans les méandres de Lisbonne un nécessaire accompagnement littéraire. Bien sûr, on trouvera là maintes évocations de Pessoa, figure obligée, dans l'ombre de laquelle Antonio Tabucchi ne cesse de mettre ses pas. Retenons (p. 166-168) le savoureux dialogue imaginé par José Gil entre un conducteur de tramway et un voyageur qui cherche le Cimetière des Plaisirs. Quête symbolique elle aussi, mais avec ce qu'il faut d'ironie, de vertige d'ironie pour rejoindre la vraie, l'immortelle Lisbonne.


Patrick Kechichian
Revenir en haut Aller en bas
 
Olivier Frébourg
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Propos insignifiants :: Archives :: Ecrivains :: Autres écrivains français-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser