Propos insignifiants
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 Hussards ou dragons ?

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LP de Savy
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MessageSujet: Hussards ou dragons ?   Hussards ou dragons ? Icon_minitimeDim 10 Sep 2006 - 14:06

Hussards ou dragons ?

Éric Neuhoff, le Figaro du 7 septembre 2006.


Quand la droite littéraire connaissait, après la guerre, des lendemains qui déchantaient.


Ils bougonnent. L'après-guerre ne leur réussit pas. Les années précédentes, ils ont choisi le mauvais côté. Paul Morand s'est réfugié en Suisse. Jacques Chardonne, qui n'a pas digéré ses six mois de prison à Cognac, grogne dans sa maison de Seine-et-Oise. Leurs succès sont des souvenirs lointains. Figurer sur la liste noire du CNE n'a pas arrangé leurs affaires. Morand, qui fut si à la mode, n'est plus publié que par de minuscules éditeurs helvétiques. Dur, dur, pour l'ancien conseiller de Laval qui fut ensuite ambassadeur en Roumanie. Ces deux-là, qui ne se fréquentaient guère, scellent un pacte : ils s'écriront tous les jours. Ils tiendront parole. Jusqu'à la fin, ils échangeront leurs humeurs, leurs impressions sous enveloppe timbrée. Il s'agit de la fameuse correspondance qui devait paraître en l'an 2000 et qui est toujours conservée à la bibliothèque de Lausanne.

Chardonne remplit à la plume sergent-major des papiers à en-tête de palaces. Morand griffonne des bristols au stylo-bille. Leurs mots leur tiennent chaud. Ils sont différents, mais complémentaires. « J'aime dans Morand le contraire de ce que je suis », dit Chardonne qui baptise son alter ego « l'unique écrivain du siècle ». Au début des années 1950, un miracle se produit. De jeunes écrivains redécouvrent leurs aînés. Nimier débarque à Frette au volant d'une voiture de sport. Jacques Laurent accueille les réprouvés dans sa revue La Parisienne. On y lira Hécate et ses chiens en trois livraisons successives. Blondin, Déon, Nourissier sont de la partie. On dîne au Crillon, on va avenue Charles-Floquet.

Les deux générations se mêlent, se rendent des services mutuels. L'admiration n'est pas forcément à sens unique. Morand s'entiche de Nimier, le choie comme un fils. Ces deux figures n'ont pas été irréprochables sous l'Occupation ? Bernard Frank résume assez bien la situation : « Nous n'avons pas fusillé Chardonne à la Libération, nous n'allons pas le faire aujourd'hui. » Les Hussards ont trouvé leurs parrains. Morand et Chardonne s'offrent une cure de jouvence, reviennent sur le devant de la scène. Les cadets ne sont pas exactement de gauche ? Pardon, mais on s'en doutait un peu. Entre eux, il était courant de supprimer la particule de De Gaulle. Pourtant, Morand et Chardonne n'ont jamais voté. Ils préfèrent signer la pétition en faveur de Jacques Laurent accusé d'offense au chef de l'Etat. On voit le temps passer, la vieillesse agir, Nimier se tuer sur l'autoroute, Morand se présenter à l'Académie. Chardonne, ça ne s'invente pas, meurt en mai 1968. Morand, faute de carburant, ne pourra pas se rendre aux obsèques.

Il voit des nazis partout
Dernière phrase de Chardonne à son beau-fils André Bay : « Et puis, tu sais, je n'ai rien compris. » C'est un peu la sensation qu'on a en refermant le livre de François Dufay. Où veut-il en venir ? Il voit des nazis partout. Chardonne et Morand étaient antisémites, pro-allemands, quelle découverte ! Les Hussards penchaient du côté de l'OAS, merci, on était au courant. Surtout, il y a là-dedans une vaste méconnaissance des rapports étranges qui unissent les écrivains et dans lesquels n'entre pas seulement l'intérêt : cette fascination mâtinée de jalousie, cette soudaine générosité suivie de mesquineries. Dufay, à qui on signalera qu'Un taxi mauve n'est pas un film de Tavernier, oublie simplement les oeuvres, a l'air de considérer que de Morand et de Chardonne, il ne reste rien. C'est un point de vue. Cela reste le sien. Les écrivains ont suffisamment de défauts sans qu'il soit besoin d'en rajouter, d'en faire des traîtres de série B.
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Hussards ou dragons ?   Hussards ou dragons ? Icon_minitimeDim 10 Sep 2006 - 14:09

Les enfants tristes de l'après-guerre

Sébastien Lapaque, le Figaro du 7 septembre 2006


Comment la jeune droite des années 1950 s'arrangea avec le legs riche et embarrassant de ses aînés.


«C'est la revanche de Dreyfus ! » Le mot célèbre de Charles Maurras, prononcé à l'issue de sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour de justice du Rhône, le 27 janvier 1945, enferma ses héritiers dans un préjugé funeste qui les obligea à mener une suite de « combats de retardement et de réaction sans illusion » où ils perdirent beaucoup de temps et d'âme. Avec ce trait atroce, Charles Maurras condamnait sa pensée à devenir la proie d'une arrière-garde de radoteurs rejouant sans cesse la défaite des droites avec un goût morbide de la répétition.

Malgré cela, il y eut en France une droite littéraire et une postérité maurrassienne après 1945. Des jeunes gens qui s'autorisèrent à lire Charles Maurras et Marcel Aymé, Louis-Ferdinand Céline et Jacques Bainville, Jean Giono, Robert Brasillach et André Fraigneau sans se soucier des listes de proscription établies du CNE.

Les uns avaient été formés à l'école de l'Action française, comme Pierre Boutang, Michel Déon, Jacques Laurent, Raoul Girardet et Philippe Ariès. Les autres avaient subi l'influence maurrassienne plus indirectement, comme Antoine Blondin, Roger Nimier et Kléber Haedens. Il y a également ceux qui étaient partis humer l'air du large, comme Michel Mohrt, et ceux qui étaient passés de l'autre côté de la barricade, comme Claude Roy et Claude Morgan.

Le tableau de groupe des « non-conformistes des années 1950 » que dresse François Dufay est trop restrictif lorsqu'il envisage la situation de ces légataires d'un héritage rendu impossible à assumer uniquement dans leur relation à Jacques Chardonne et Paul Morand.

Pour comprendre cette décennie électrique, mieux vaut relire La Droite buissonnière de Pol Vandromme, publié il y a déjà bien longtemps. Entre 1945 et 1955, il y a eu beaucoup de « capitaines » à défendre contre les oukases des longues figures de l'existentialisme. On pouvait bien oublier Henry Bordeaux et Abel Bonnard, mais il fallait sauver Drieu et l'affreux Rebatet. Des écrivains compromis dans la Collaboration et le naufrage de la Révolution nationale, mais aussi de vieux maîtres qui n'y pouvaient rien, comme Maurice Barrès et Charles Péguy et quelques inclassables.

L'exception Boutang
Plutôt que de jouer les soupçonneux, comme le fait François Dufay, il est important de comprendre comment la jeune droite des années 1950 s'attacha à rester fidèle à l'héritage littéraire et intellectuel de ses aînés en le dépassant.


Le grand rêve, fera dire Dominique de Roux à un personnage de son roman Cinquième Empire, était de prolonger la pensée de Maurras, comme le fit Bernanos, et de la mettre en pratique, comme le fera De Gaulle. Le premier avait apporté la touche de déraison évangélique qui manquait aux rugueuses constructions maurrassiennes ; le second le sentiment de l'unité et de la solidarité de l'Histoire de France que l'auteur de L'Enquête sur la monarchie avait fini par perdre au fil de ses invectives contre la Gueuse. « Devenu fou à force d'avoir raison » : on connaît le jugement du Général sur le Martégal. À Rivarol et à Aspects de la France, on ne lui pardonna pas, mais c'était bien vu.

Dépassant les rancoeurs de leur famille, Pierre Boutang et Philippe Ariès ont fini par soutenir la geste gaullienne dans les colonnes de La Nation française. Un arrachement aux préjugés de leur camp que ne manqua pas de saluer François Mauriac dans son Bloc-Notes. Il est vrai que l'auteur de Génitrix avait su parler avec tendresse de Roger Nimier au moment de sa mort ; il observait avec attention les querelles de succession des enfants de Maurras, s'attristant de leur incapacité à dresser un inventaire. Mauriac est précis dans ses portraits, féroce dans ses répliques, juste dans ses pointes. Jacques Laurent s'est beaucoup moqué, mais cela n'empêcha pas l'académicien couvert d'honneurs de comprendre mieux que quiconque les querelles d'une famille qui était un peu la sienne. On reprend le Bloc-Notes, on s'émerveille. Le grand témoin de l'après-guerre littéraire, c'est lui.
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LP de Savy
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MessageSujet: Re: Hussards ou dragons ?   Hussards ou dragons ? Icon_minitimeMer 20 Sep 2006 - 17:45

Messieurs Jadis...

Quand les Hussards complotaient afin que les phénix Morand et Chardonne renaissent de leurs cendres...

Jean-Paul Enthoven

Pour saisir les enjeux (humains, idéologiques, littéraires) du polar intellectuel que vient d'écrire François Dufay, il faut se replacer, par l'esprit, sur le champ de bataille encore fumant du dernier après-guerre. D'un côté, deux grands écrivains, Paul Morand et Jacques Chardonne, très compromis sous l'Occupation, donc démodés, plus ou moins en exil, et nostalgiques d'une gloire qui les boude désormais au profit des existentialistes. De l'autre, une bande de Hussards ambitieux (Nimier, Déon, Laurent et Cie...), politiquement très incorrects, de droite, allergiques au sartrisme ambiant, qui vont utiliser le totem Morand-Chardonne comme emblème de leur rébellion et, dans la foulée, se tailler une belle place au soleil. Dans ce tableau, les vieux écrivains s'offrent une cure de jouvence. Et les jouvenceaux, pressés de devenir des messieurs, sucent la légitimité de leurs aînés. C'est cette formidable histoire de dupes, de transmission, de vampires - où tout le monde a du talent et des arrière-pensées - que François Dufay se propose de revisiter.

C'est passionnant. Très intelligent. Empathique et critique. De quoi choquer les petits marquis qui oublient vite que le grand style n'exclut pas l'abjection.

En rôles-titres, donc, les deux divas Morand et Chardonne. Deux maîtres absolus de la prose française qui, par malchance (pour eux), choisirent le mauvais cheval entre 1939 et 1944. Le premier est cosmopolite, sportif, moderne, mondain - et dans le même temps crispé sur ses phobies antisémites et antigaullistes. Le second est charentais, « grand d'Espagne », moins branché, écrivain paysagiste et expert dans l'art de lancer ses maximes quasi romaines comme des soucoupes volantes. Ces deux-là ont fait de grosses bêtises sous l'occupation - pas de crime, certes, mais des inconsciences, des lâchetés, des vanités coupables. Du coup, ils se savent hors jeu et se terrent dans leurs résidences cossues, en Seine-et-Oise ou dans le triangle Vevey-Tanger-Paris. Et ils s'écrivent tous les jours des lettres si sulfureuses, si moisies, que leurs ayants droit respectifs n'ont pas encore cru devoir les publier - bien que certains chercheurs, dont François Dufay, aient pu les consulter. Or une divine surprise était promise à ces crocodiles confits dans leur bocal de rancoeur...

Divine, en effet, puisqu'une phalange de surdoués, emmenée par le fringant Nimier - une chimère de Rastignac et du Grand Meaulnes -, vient se prosterner aux pieds de ces maîtres oubliés et leur propose rien de moins que d'organiser leur résurrection. Le deal est assez clair : on vous remet à la mode et vous nous bénissez en retour. On vous blanchit et vous officialisez notre génie précoce. Affaire conclue ! Revues, préfaces, dîners en ville, hommages croisés, adoptions officieuses - Dufay observe, finement, que tous les Hussards étaient plus ou moins orphelins... - sont les rites de cette nouvelle confrérie. Les cibles ? « Gaulle », bien sûr, auquel on retranche la particule, faute de mieux. Mais aussi Mauriac, Gide, Sartre ou « Aragon-Dérouledoff ». Les jouvenceaux feront carrière. Les aînés eurent une vieillesse adoucie. De quoi se plaint-on ?

Ce qui est fascinant, dans cette affaire, c'est de suivre, d'acte en acte, les étapes d'une étrange comédie parisienne. De renifler, une bonne fois, les senteurs méphitiques de ce que s'avouaient Chardonne et Morand lorsqu'ils se lâchaient en privé (ceux qui n'ont pas accès à leur correspondance peuvent se reporter au « Journal inutile » de Morand). De voir comment Michel Déon, Antoine Blondin, Jacques Laurent ou Kléber Haedens jouèrent habilement leur partie - moins habilement, toutefois, que François Nourissier ou Bernard Frank, qui avaient des réflexes de meilleure qualité. Des oeuvres importantes sont nées au bord de ces marécages. Tel est, depuis toujours, le mystère de la littérature.

Sur la longue distance, Morand a évidemment surclassé ses rivaux et ses hommes liges. Académicien (grâce à la mansuétude de « Gaulle »), il ne renoncera pas, pourtant, à se prendre pour le seul véritable adversaire du Général - il faut relire, à cette lumière, son « Fouquet ». On reste cependant confondu par la coexistence, chez ce prosateur d'exception, de l'ampleur et de la petitesse. Quant à Nimier, l'archange foudroyé, il conservera longtemps la sympathie qu'on réserve à ceux qui meurent bêtement sur l'autoroute. Pour le reste, cette enquête minutieuse, lucide - et, souvent, généreuse - a le mérite de souligner l'incroyable sécheresse de coeur (est-ce la contrepartie du style maigre ?) qui fut, avec la haine du présent, la seule électricité admise sur l'axe Chardonne-Morand. Signalons, à cet égard, que le premier mourut, ô symbole, en mai 1968. Et que le second ne put assister à ses obsèques - faute de carburant

« Le soufre et le moisi. La droite littéraire après 1945. Chardonne, Morand et les Hussards », de François Dufay (Perrin, 238 pages, 16,50 E.)


© le point 13/09/06 - N°1774 - Page 102 - 736 mots
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