L'autre soir je disais a un ami que j'aimais - réellement j'ai dit "adoré" - Gabriel Matzneff et, tandis que j'essayais bien maladroitement, pour diverses raisons, de lui donner envie de lire cet auteur, il a fait un bon en arrière, et dans un geste de désarroi s'est attrapé la figure entre les deux mains pour mieux se protéger l'âme : vade retro satanas !
Et voilà qu'encore une fois je me demande comment aimer Gabriel Matzneff, sans pour autant me sentir pervertie ?
Comment ?
Comment souscrire à l'infâmie, si belle quand elle se dit avec élégance. Et comment aimer sereinement se la laisser contée ?
Comment ne pas me rallier à la pédophilie - philopédie comme il l'a nomme - avérée de Matzneff, tout en admettant que les moins de seize ans - et notamment Francesca - ont absolument, résolument, TOUS les arguments ?
Où trouver les possibles qui me feront aimer sereinement cette littérature à la réputation dépravée mais qui m'aura néanmoins si sublimement nourrie.
De toute façon Gabriel Matzneff ne s'aime pas tranquillement. Ses écrits procurent immédiatement et intensément de fortes émotions. Les fortes émotions, tant sur le plan esthétique que cérébral, laissent rarement tranquille. Or chez Matzneff on sent tout de suite l'esthète raffiné et derrière la sensuelle indolence, résonne la profondeur. Par-delà la légèreté apparente, déborde la densité. Une sorte de désespoir. De fait, ce n'est pas simple.
L'envoûtement, rare à dénicher en ces temps, est bel est bien là quand on ouvre un livre de Matzneff. A le lire on s'envole très haut dans un esthétisme ennivrant.
Grace à lui j'ai découvert Cioran ; j'ai beaucoup souffert. Shoppenhaueur aussi, mais je n'ai pas plongé.
Toujours à le lire, je me suis passionnée pour la Rome antique - j'ai découvert, scandalisée mais indulgente, pour quelles raisons il aimait sans doute et aussi, la Rome antique.
En fait il me fait penser a Catherine Pozzi pour ce qu'elle a dit "Il n’y a plus que deux choses qui m’intéressent : le catholicisme et les robes".