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 Nouvelles de jeunesse de Yukio Mishima

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MessageSujet: Nouvelles de jeunesse de Yukio Mishima   Nouvelles de jeunesse de Yukio Mishima Icon_minitimeLun 30 Jan 2006 - 22:56

Nouvelles

On croyait tout savoir de Mishima...

Erreur, un recueil de nouvelles de jeunesse nous plonge dans les années de formation de cet écrivain exceptionnel mort en 1970.

Jacques-Pierre Amette (Le Point 11/07/03)

On croyait en avoir fini avec cet incroyable Mishima, avec cette image d'un guerrier en uniforme qui se sacrifie sur un toit de caserne le 25 novembre 1970, tandis qu'en bas, dans la cour, des soldats le huent ou ricanent et que lui, d'un coup d'acier, se supprime après avoir tenu un discours héroïque et passéiste.

Restent les romans, les pièces, les essais, les recueils de récits.

On se souvient du fabuleux « Pavillon d'or », des nouvelles de « La mort en été », saturées de soleil, de ciel, de mer éblouissante, du mélo impeccable d'« Une soif d'amour », avec la jeune veuve Etusko amoureuse d'un domestique ; Gallimard réédite également en Folio le très balzacien et ironique « Après le banquet », qui avait fait scandale à sa parution, car on y reconnaissait un homme politique japonais. On croyait donc tout savoir de lui ; on pensait qu'il reposait dans la crypte des manuels de littérature et que ses photos en athlète huileux, avec bandeau sur la tête, illustraient les sommaires de quelques revues gays sur papier glacé. Erreur. Grâce à René de Ceccatty et Ryoji Nakamura, on retrouve l'immense écrivain, déjà fulgurant à 20 ans quand il rédige ses nouvelles en 1945. Elles laissent une impression d'achèvement, d'intelligence aiguë et de grande souveraineté.

La première surtout, « Une histoire sur un promontoire », sidère. Elle raconte l'après-midi d'un petit garçon. L'enfant est en vacances avec sa mère et sa soeur. Malingre, sans doute un peu trop couvé, il a peu l'occasion de se promener seul, si bien qu'il profite d'un moment de solitude sur la plage pour se mettre à marcher « sans but vers l'est », droit devant lui.

Il passe un pont qui surplombe un estuaire avec des déchets, prend un sentier qui monte vers un promontoire vallonné qui abrite des villas. Odeurs résineuses, plantes touffues, fraîcheur de brise et vague inquiétude bourdonnante de sous-bois. Vingt minutes de promenade l'amènent au bord d'un paysage grandiose fait de précipice, de vent. Effrayante beauté de l'océan qui l'intrigue. Puis une jeune fille exquise (accompagnée d'un jeune homme qui lui ressemble) sème un trouble amoureux.

L'enfant pénètre dans une nouvelle zone de sa vie. Tout y est sauvage, illuminé, déroutant, entre rite, initiation, prière. Etrange aventure où ce garçon attiré vers la mer se perd dans un labyrinthe d'émotions qui l'entraîne vers des puissances primitives.

Mishima a la main légère et subtile pour décrire tout cela. Grâce irréelle d'un paysage. Excitation et mélancolie. Trou de lumière sur un monde subitement inconnu. Vers le soir, un jeu de cache-cache tourne mal. Le garçonnet est de nouveau seul. Il marche, perdu, entre roches nues, touffes d'herbe, ciel immense. Mishima suggère effroi, regrets. L'absolu silence qui règne sur la fin du récit ressemble à une sombre ouverture sur la vie d'adulte.

Ouvrir le noyau d'une oeuvre

Si l'on regarde la date de composition de la nouvelle, 1946, on se demande dans quelle serre chaude du nationalisme japonais, dans quel univers renfermé, dans quel collège militarisé s'est développée la sensibilité de Mishima pour faire ainsi s'épanouir romantisme, extase, exaltation héroïque, sentiment d'ivresse serti dans une forme classique. Rétrospectivement, on se dit qu'une adolescence en pleine guerre mondiale a dû distiller dans cet esprit une souffrance morale vraiment particulière, et l'imprégner de honte. Conflit entre homosexualité et morale courante de l'époque ? Pas seulement. Trop étroit, trop schématique. On devine qu'il y a, chez lui, comme chez Jean-Jacques Rousseau, une fracture fondatrice entre une sensualité exacerbée, bouillonnante, impatiente, et un égotisme seigneurial, brutal. L'ensemble est dessiné sur un fond patriotique, un climat d'adoration impériale qui fut le tourment de cette génération. Conflit aussi entre une immense songerie intérieure enfantine et une nation étroite, rigide, abrutie de militarisation et d'idée de sacrifice.

Les autres nouvelles, complexes, mobiles, rédigées dans ces années-là, sont d'une grande diversité, d'une grande virtuosité, mais aucune n'apporte ce sentiment qu'on a de saisir l'essence intime d'un drame personnel, d'ouvrir le noyau d'une oeuvre, de comprendre la formation d'un homme exceptionnel. Ceux qui ont aimé l'oeuvre de Mishima aimeront ce recueil, véritable clé pour le comprendre.

« Une matinée d'amour pur » de Yukio Mishima, nouvelles choisies et traduites du japonais par Ryoji Nakamura et René de Ceccatty (NRF Gallimard, 237 p., 19 euros).
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